Erick Arc Elliott, l’architecte new-yorkais

En 2020, la scène rap de New-York vibre aux sonorités de la drill de Brooklyn et du grimy boom bap de Buffalo. Ces deux mouvements coexistent et semblent s’équilibrer à merveille. Ce regain d’énergie au coeur de la Big Apple, le berceau du hip hop, amène certains observateurs à parler de la renaissance de l’identité musicale new-yorkaise. Est-ce bien vrai ? La réponse à cette question est pleine de nuance.

Les années 2010 ont vu des collectifs associer les codes traditionnels de NYC aux genres populaires de l’époque (i.e la trap). C’est le cas de la Beast Coast, une formation qui réunit trois entités : Pro EraThe Underachievers et Flatbush Zombies. En son sein se trouve un producteur de première classe : Erick Arc Elliott AKA Erick The Architect. Au regard de sa discographie et de ses aptitudes, ce beatmaker/rappeur aussi discret qu’efficace est trop peu reconnu.

Focus sur Erick The Architect l’arme secrète de Flatbush Zombies.

Flatbush en toile de fond

IG: @erickarcelliott

L’histoire d’Erick The Architect commence à Brooklyn dans le quartier de Flatbush. C’est le lieu de vie et de rencontre d’une grande partie de la communauté caribéenne du borough. Guyana, Trinidad et Tobago, Haïti, Jamaïque… Erick Arc Eliott s’imbibe des cultures vibrantes de ces pays. Son esprit s’ouvre aux richesses de ses contrées du monde.

Cette expérience ajoute une couche à son identité de natif de Brooklyn et plus globalement de new-yorkais. Il est important de souligner qu’un « authentique new-yorker » clame sans cesse, haut et fort, son appartenance à la ville.

Erick The Architect atteste de cela dans une interview donnée au média anglais Gigwise : « Je serai toujours un new-yorkais. Je viendrai toujours de New-York, je ne pourrai jamais ne pas être de Brooklyn (…) Même si tu quittes New York, tu emportes toujours un morceau de la ville avec toi. Je ne sais pas si c’est dû à l’eau ou à la pizza de la ville, mais c’est une réalité ». L’héritage musical de NYC a toujours été préservé dans sa musique.

Son parcours artistique commence au lycée. Il y fait la rencontre de Meechy Darko et de Zombie Juice. Le trio se lie d’amitié autour d’intérêts communs : les mangas, le catch et la musique. C’est tout naturellement que cette alchimie les amène à créer Flatbush Zombies, le groupe de rap qu’ils forment encore aujourd’hui. Erick The Architect est la pierre angulaire de cet ensemble : il a impulsé la constitution du groupe. Cependant, son début de carrière s’est fait en solo.

Curieux et polyvalent

Erick Arc Eliott fait parti de ces beatmakers qui commencent à faire de la musique pour avoir des instrumentales sur lesquelles rapper. Adolescent, sa vie prend un tournant lorsqu’un de ses amis lui fait découvrir Fruity Loops. Il commence par passer 10 minutes chaque jour sur le logiciel. Ces minutes se transforment en heures : ce geek hyper-curieux et hyper-actif a trouvé un nouveau moyen de matérialiser les millions de concepts qui lui traversent l’esprit. Pour passer au mieux de l’idée à la réalité, il apprend en autodidacte à jouer du piano et de la guitare.

IG: @erickarcelliott

Il faut dire que la musique a toujours fait parti de son existence. C’est un auditeur éclectique, passionné de jazz, de neo soul, de house mais aussi de raggae et d’autres genres musicaux en provenance de la Jamaïque, la terre d’origine de ses parents. 

Cette large palette de gôuts et d’intérêts caractérise son style de production ; au fil de ses projets, tous autoproduits, ses influences l’emmènent sur des terrains variés : 

  • du boom bap, construit avec des samples de funk / soul et des breakbeats sur ces mixtapes « noir. » et « renvoi »:
Erick Arc Elliott – « All Over The Place » (Prod by. Erick Arc Elliott) extrait de la mixtape « noir. » // Sample de la chanson : « Midnight » de Willie Lindo

(Pour l’anecdote : les titres français de ces projets sont représentatifs de l’amour que le beatmaker porte pour la langue française, ses sonorités et l’apparence de ses mots. Il est voyage très fréquemment à Paris, une ville qui l’inspire beaucoup).

  • des touches Lo-fi sur « almost remembered.«  et « Demos« :
Erick Arc Elliott – Love Ripple (Prod by. Erick Arc Elliott) Ft. Kaya extrait de la mixtape « almost remembered »
Erick Arc Elliott – Ma (Prod by. Erick Arc Elliott) extrait de la mixtape « Demos »
  • de la house mixée à du rap down south ou à du RNB sur « Arcstrumentals Vol. 1 »:
Erick Arc Elliott – Love Shawty (Prod by. Erick Arc Elliott) extrait de la beat tape « Arcstrumental Vol. 1 ». // Sample de la chanson « Shut Up » de Trick Daddy
Erick Arc Elliott – Fried Balogna (Prod by. Erick Arc Elliott) extrait de la beat tape « Arcstrumental Vol. 1 ». // Sample de la chanson « Angel In Disguise » de Brandy

Cette beat tape est une compilation de morceaux plus ou moins finis, rythmés par des interludes et des coupures, à l’instar d’une programme radiophonique. C’est la nostalgie des émissions de radio qu’il écoutait qui a inspiré le séquencing du projet.

Le volume 2 est batit de la même façon. Pour cette seconde édition, Erick The Architect ajoute un storytelling à ses productions mellow. Il joue le rôle d’un DJ de mariage qui est booké par un certain Bobby. Ce dernier qui s’apprête s’apprête a épouser Stacey sa fiancée, nous ouvre les portes de son enterrement de vie de garçon et de sa cérémonie de mariage. Un concept délirant qui en dit long sur la vision créative d’Eric Arc Elliott : singulière, trippy et complète ! Le dernièr adjectif souligne sa capacité à penser un projet de A à Z. D’ailleurs, les producteurs qu’il cite en modèle sont ceux qui au-delà de faire un beat, pensent et construisent des chansons et des albums dans leurs entièreté : RZA, Pharrell Williams, Teddy Riley, Dr. Dre…

Erick Arc Elliott – Rosebuds (Prod by. Erick Arc Elliott) extrait de la beat tape « Arcstrumental Vol. 2 »

La pierre angulaire de Flatbush Zombies et de la Beast Coast

C’est avec beaucoup de minutie qu’il travaille pour son groupe Flatbush Zombies. Il est à l’origine de 99% des beats sur lesquels Meechy Darko, Zombie Juice et lui même posent. Il dirige chacune des mixtapes, chacun des EP, chacun des albums signé par le trio.

Flatbush Zombies – « Palm Trees » (Prod. by Erick Arc Elliott) extrait de la mixtape « BetterOffDEAD » (2014)

Ses travaux pour FBZ sont toujours infusés du rap de la côte est des années 90, des sonorités du hip hip down south, tantôt saupoudrés de rock psychédélique, de voix pitchées, de saturation, de mélodies obscures mais pas que…

Flatbush Zombies « Trade-Off » (Prod. by Eric Arc Elliott) extrait de l’album « 3001: A Laced Odyssey » (2016)

Cela dit, il est important de souligner que The Architect ne tombe jamais dans le piège de la surproduction. Les beats ont toujours la bonne quantité d’espace afin de débiter des rimes enflammées.

Flatbush Zombies – « Monica » Ft. Tech N9ne (Prod. by Eric Arc Elliott)

Sur Escape From New York, le premier album de son collectif Beast Coast, il produit 5 des 13 tracks.

Beast Coast – « Bones » (Prod. by Erick Arc Elliott) extrait de l’album « Escape From New York »

Eric Arc Elliott a aussi alimenté quelques rappeurs new-yorkais en instrumentales : Bodega Bamz, Smoke DZA ou encore A$ap Twelvyy.

A$ap Twelvyy – « Glorious Death » (Prod. by Erick Arc Elliott) extrait de l’album « 12 »

Il a aussi co-produit une des chansons de « Before » le dernier EP de son ami James Blake:

James Blake – « I Keep Calling » (Prod. by James Blake, Erick The Architest, Dominic Maker, Josh Stadlen, KHUSHI & Jameela Jamil)

Parmi ses collaborateurs fréquents figurent :

  • Linden Jay (a produit pour LION BABE, Sinéad Harnett, TObi, Rejjie Snow…)
  • Tyler Dopps (a produit pour Macklemore…)
  • et McClenney (a produit pour Sango, Boogie, Xavier Omar, Kyle Dion…)

Il est intéressant de noter que la musique d’Erick The Architect résonne chez nos rappeurs francophones. 2Fingz, le duo composé de Doums et de Népal ont posé sur une de ses productions. De même pour Kaki Santana, acolyte de Freeze Corleone au sein du collectif 667.

2Fingz – « Saturé » (Prod. by Eric Arc Elliott) extrait de la mixtape « La Folie des Grandeurs » // Chanson et instumentale d’origine : « Mary, Nothing Above Thee » de Flatbush Zombies

Passionné d’arts avec un « S » 

« I think the hardest thing about being interested in so many different things [is that] they all take time to become really good. », Eric Arc Elliott, IG: @erickarcelliott

Comme vous l’aurez compris, il n’est pas possible de coller une étiquette à Erick The Architect. En plus de faire des instrus et de rapper à haut niveau… il peint et immortalise des moments en photo. Lui qui a toujours été intrigué par l’esthétique de l’image a fait des études de design graphique. Il a d’ailleurs longtemps hésité entre une carrière dans la musique ou dans le design. La beauté de la vie fait qu’il peut aujourd’hui s’adonner à ses deux passions.

Une plateforme digitale appelée « 502 North Pole » présente l’ensemble de son oeuvre. 

Eric Arc Elliott, « Faces on Canvas », 1280×1280 (2018)

Legacy, legacy, legacy, legacy

Cette bombe de talent mérite davantage de reconnaissance pour l’excellent travail qu’il délivre depuis 10 ans. Son oeuvre est gage de qualité et de constance. Parvenir à maintenir ce niveau de productivité avec une proposition artistique aussi diversifiée est impressionnant.

Dans le plus grand des calmes, l’architecte Erick Arc Elliott, continue de bâtir sa discographie et son legacy. Les hommages du plus grand nombre se succèderont, c’est sûr et certain !

Pour poursuivre l’exploration des travaux d’Erick The Architect, voici une playlist tout spécialement concoctée par DLM4 disponibles sur Spotify, Apple Music, Deezer et TIDAL. Enjoy ! N’hésite pas à partager l’article si tu as aimé !

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